J’ai peur d’être malade. Vraiment malade. Genre cancer-avec-multiples-traitements-de-chimiothérapie malade. Genre soins-à-domicile et perte-d’autonomie malade. Pas-capable-de-prendre-soin-de-toi-même malade.

J’ai peur d’être malade. Pas de souffrir. Pas de mourir. Juste d’être malade, gravement.

La douleur, je connais bien. J’y suis habituée. Ça ne m’angoisse pas. Ça me ralentie tout au plus. Je gère.

La mort, c’est vague, c’est loin – c’est du moins je le souhaite! La mort, on va se le dire, c’est pire pour ceux qui restent. Ma mort à moi, je n’y accorde pas une grande attention. À ce stade-ci de ma vie, ça ne hante pas mes nuits, disons.

La maladie, en revanche, ça me fout la trouille.

La chimiothérapie, par exemple, ça te jette sur le cul. Il faut souvent quelques jours pour se remettre d’un traitement. Pas d’énergie, la nausée, etc. Pas tout à fait l’état idéal pour faire le grand ménage ou partir une batch de sauce à spag. Et pourtant, la série de traitement peut durer des semaines, voir des mois. Il faut continuer à vivre le quotidien malgré tout. Mais comment?

En tant que célibataire qui habite loin de sa famille, c’est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Qu’est-ce qu’il adviendrait de moi si un tel scénario s’abattait sur moi? Je ne le sais réellement pas. Et ça m’angoisse. Énormément.

Être incapable de pourvoir à mes propres besoins, c’est ça qui me fait peur. Devoir compter sur les autres. Mais quels autres?

Parce que des ami.e.s qui viennent te porter une soupe quand t’a attrapé l’influenza, j’en ai. Mais des ami.e.s qui feraient ça pendant des semaines? Des amies qui seraient prêtes à venir m’aider à prendre mon bain? Pas certaine.

Comprenez-moi bien, j’ai des ami.e.s extraordinaires. J’ai eu l’occasion de les mettre à l’épreuves, en quelques sortes, dans la dernière année. Ils et elles ont été à la hauteur. Elles surtout. Elles m’ont donné beaucoup plus que je croyais possible. Elles continuent de le faire, d’ailleurs. Mais cancer-avec-multiples-traitements-de-chimiothérapie malade, ça demande un tout autre niveau d’engagement. Non seulement je ne suis pas certaine qu’elles le feraient, mais je crois ne crois pas que je serais capable de leur demander ça.

Parce que demander de l’aide, c’est difficile. On a beau se répéter tous ces beaux mantras sur l’acceptation de soi et de ses limites, sur le fait que le vrai courage c’est de demander de l’aide, sur la vulnérabilité qui est partie intégrante de nous, faut pas se leurrer, demander de l’aide demeure un pas difficile à franchir. Même pour moi, formée en relation d’aide.

Imaginez! Je suis formée pour travailler avec des gens qui demandent de l’aide. Je suis dans l’accueil, on ne peut plus dépourvue de préjugés sur les gens qui demandent de l’aide. Et je trouve ça difficile à faire!

Je ne veux pas déranger. Je ne veux surtout pas être un poids. Ils on beau dire, les proches, qu’ils sont là pour toi, prendre soin de quelqu’un c’est un poids. Tout un.

Pendant que la vie du malade tourne autour de la maladie et du traitement, la vie des autres continue, elle. Les projets, les rêves continuent de se développer, de se concrétiser, de demander attention et énergie. Le quotidien surtout, avec sa routine, ses responsabilités, son stress. Qui est prêt à en rajouter une couche? Et pas pour ta douce moitié, pour ton enfant ou pour ton parent. Pour quelqu’un avec qui tu t’entends bien, en gros.

Je ne m’attends pas à ce que les gens autour de moi mettent leur vie sur pause pour moi. Je ne le voudrais pas, de toute façon. Alors comment répondre à mes besoins si je dépends de gens pour qui je ne suis pas la priorité?

Au fond, c’est ça le problème. J’ai peur d’avoir à renoncer à ce que j’ai travaillé à bâtir toute ma vie : mon autonomie, mon indépendance. Mais surtout, j’ai peur de n’avoir personne de qui dépendre. En fait, j’ai peur d’être seule. On ne s’en sort pas.

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